Imaginez vous un bâtiment rectangulaire d’un âge
certain, tout de briques rouges. Genre vieille usine de deux étages à la façade
gangrenée dont les quelques fenêtres ne sont
que de piètres excuses architecturales. Une cheminée tordue, une porte
de toit, un stationnement où s’entasse souvent un tas de véhicules qui ne
dépareraient pas une cour de recyclage.
Les grimpeurs ne sont pas riches!
Les fins de semaine, c’est d’autre chose. Le parking
est rempli de mini fourgonnettes pleines à craquer de meutes d’enfants qui
viennent célébrer l’anniversaire d’un petit camarade. L’atmosphère est alors
digne d’un hôpital psychiatrique du bon vieux temps. Cris et hurlements.
Flashs. Courses sans fin et sans but.
« Tu vas pas écrire ça! Tu vas endormir le
pauvre monde qui te lit encore! C’est le mois des morts mais c’est pas une
raison pour les faire mourir d’ennui… »
Gère Mène dans son rôle de critique
littéraire!!
Me reste plus qu’à changer de ton…
Je voulais vous parler de ces salles surgies de
nulle part il y a vingt ans. De ces endroits de perdition où de jeunes hommes
et de jeunes femmes ( et au moins un vieux fou ) viennent perdre quelques jours
par semaine à tenter une activité se rapprochant de ce qui se nomme l’escalade.
Étrangement, l’escalade en salle demeure une
grande inconnue.
On n’en parle pas dans les magazines et sur les
sites web sinon pour annoncer les noms des gagnants lors des compétitions qui
s’y tiennent. Personne n’en a étudié la dynamique, personne n’en a analysé le
membership et personne ne peut avancer quel impact les salles auront sur le
futur de l’escalade.
Ce silence coupable sur ces lieux de débauche
physique me donne à penser qu’on préfère, dans certains bureaux, ne pas
analyser ce qu’on ne peut contrôler.
Ce qui est parfait quant à moi!
Rien ne vaut la libre entreprise…
Je ne connais pas de grimpeurs, dans mon
patelin, qui n’aient pas commencés leur courte carrière dans une salle. Courte
parce que la vie active d’un grimpeur n’est que de trois ans maximum. Et que la
majorité des grimpeurs en salle sont de jeunes mâles entre 17 et 24 ans. Comme
cette tranche de la population est née avec une zapette à la main, ils passent
de la salle au kayak au snowboard au mountain bike au tuning de leur char pour…
Pour finalement tomber entre des mains compatissantes
qui les amènent vite bien loin de cet univers minéral ( plutôt de bois
stratifié mais disons que…) vers les prairies de l’amour et les ’’vraies’’
responsabilités.
Comme si assurer quelqu’un n’était pas une
responsabilité!
Est-ce à dire que l’escalade en salle n’a pas
trouvé la recette pour fidéliser la clientèle? Sans doute.
Mais encore plus. Est-ce à dire que le lien qui
devrait exister entre les salles et l’escalade extérieure n’a jamais été fait?
Certainement.
Le transfert de connaissances et d’habiletés
permettant aux grimpeurs intérieurs de profiter de l’extérieur tout en
possédant un minimum de sensibilité à pratique et aux lieux ne se fait pas.
Rien…
Pourquoi?
Sans doute par pure indifférence. Ces gens sont
des ’’sportifs’’, certainement pas des grimpeurs donc à quoi bon? Ils
fréquentent une salle par pur délassement donc ils ne peuvent comprendre la
souffrance – toute relative – exigée par le caillou. Et je ne parle pas de
l’engagement!
Parlons vrai!
Dans vingt ans, il n’y aura que ça, des
grimpeurs de salle. Tout le monde commencera en salle et la majorité ne verra
pas le soleil luire sur le royaume minéral.
Non seulement ça mais dans vingt ans l’escalade
intérieure sera un sport à part entière. Les J.O. si chers ($$) à certaines
organismes ne viendront pas de la falaise de Videbouteilles mais bien
d’endroits comme Urban Evasion ou Roc en Stock. C’est évident!
Montaigne avait son promenoir. Moi j’ai mon
promontoire.
Je ne grimpe pas, je ne grimpe plus, dans la
salle que je fréquente.
Je ne fais qu’y construire des voies au rythme
de quatre ou cinq par semaine. De tous les niveaux et je n’ai jamais reçu une
vieille cenne noire pour mes efforts depuis quinze ans. En fait je suis
invisible, suspendu au bout d’une corde avec un tas de prises dans mon sac.
Et j’observe les interactions qui se passent en
bas. Quel cirque!
C’est tout simplement n’importe quoi : le
royaume de l’amateurisme et de la frime.
Le royaume de l’hormonal à bon marché :
les cœurs s’y emballent et combien de mains y poussent des fesses trop massives
pour arriver à la deuxième dégaine?
Combien de rois de la voie jaune? Combien de
dieux du 6b intérieur (dont ils connaissent toutes les prises) ? Combien de
tyrans de la moulinette, de guides sortis des profondeurs?
C’est un théâtre dont je ne me lasse pas!
Je visse, je crée du 5a au 9, avec le sourire
aux lèvres. Le petit monde d’en dessous vaudrait bien une bande dessinée. Ou
une série d’histoires cocasses. J’ai
même l’intention de vous conter, dans les prochaines semaines, quelques
entourloupes du gym qui m’abritait . Rien que du juteux… le dîner de cons façon
salle d’escalade.
Si les entrevues que je tiens à faire m’en
donnent le temps!
Malgré tous ces travers – et quelle activité
n’a pas ses dérives – la salle de grimpe intérieure sera le moteur des
changements qui toucheront le milieu de l’escalade et de la montagne durant les
prochaines décennies. Les acteurs de ce petit monde auront un impact direct sur
les falaises que nous fréquentons ou que nous ne fréquenteront plus.
Il est peut être temps d’y jeter un coup d’œil
attentif et de bâtir des ponts entre le monde minéral et celui du bois
aggloméré!
Sinon
, grimpeurs de falaises , nous ne vaudront pas mieux que les mammouths…
JPB