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Yann Corby
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Chronique québécoise par Jean-Pierre Banville






Imaginez vous un bâtiment rectangulaire d’un âge certain, tout de briques rouges. Genre vieille usine de deux étages à la façade gangrenée dont les quelques fenêtres ne sont  que de piètres excuses architecturales. Une cheminée tordue, une porte de toit, un stationnement où s’entasse souvent un tas de véhicules qui ne dépareraient pas une cour de recyclage.

Les grimpeurs ne sont pas riches!

 

Les fins de semaine, c’est d’autre chose. Le parking est rempli de mini fourgonnettes pleines à craquer de meutes d’enfants qui viennent célébrer l’anniversaire d’un petit camarade. L’atmosphère est alors digne d’un hôpital psychiatrique du bon vieux temps. Cris et hurlements. Flashs. Courses sans fin et sans but.

 

« Tu vas pas écrire ça! Tu vas endormir le pauvre monde qui te lit encore! C’est le mois des morts mais c’est pas une raison pour les faire mourir d’ennui… »

 

Gère Mène dans son rôle de critique littéraire!!

Me reste plus qu’à changer de ton…

 

Je voulais vous parler de ces salles surgies de nulle part il y a vingt ans. De ces endroits de perdition où de jeunes hommes et de jeunes femmes ( et au moins un vieux fou ) viennent perdre quelques jours par semaine à tenter une activité se rapprochant de ce qui se nomme l’escalade.

Étrangement, l’escalade en salle demeure une grande inconnue.

 

On n’en parle pas dans les magazines et sur les sites web sinon pour annoncer les noms des gagnants lors des compétitions qui s’y tiennent. Personne n’en a étudié la dynamique, personne n’en a analysé le membership et personne ne peut avancer quel impact les salles auront sur le futur de l’escalade.

 

Ce silence coupable sur ces lieux de débauche physique me donne à penser qu’on préfère, dans certains bureaux, ne pas analyser ce qu’on ne peut contrôler.

Ce qui est parfait quant à moi!

Rien ne vaut la libre entreprise…

 

Je ne connais pas de grimpeurs, dans mon patelin, qui n’aient pas commencés leur courte carrière dans une salle. Courte parce que la vie active d’un grimpeur n’est que de trois ans maximum. Et que la majorité des grimpeurs en salle sont de jeunes mâles entre 17 et 24 ans. Comme cette tranche de la population est née avec une zapette à la main, ils passent de la salle au kayak au snowboard au mountain bike au tuning de leur char pour…

Pour finalement tomber entre des mains compatissantes qui les amènent vite bien loin de cet univers minéral ( plutôt de bois stratifié mais disons que…) vers les prairies de l’amour et les ’’vraies’’ responsabilités.

Comme si assurer quelqu’un n’était pas une responsabilité!

 

Est-ce à dire que l’escalade en salle n’a pas trouvé la recette pour fidéliser la clientèle? Sans doute.

Mais encore plus. Est-ce à dire que le lien qui devrait exister entre les salles et l’escalade extérieure n’a jamais été fait? Certainement.

Le transfert de connaissances et d’habiletés permettant aux grimpeurs intérieurs de profiter de l’extérieur tout en possédant un minimum de sensibilité à pratique et aux lieux ne se fait pas. Rien…

Pourquoi?

Sans doute par pure indifférence. Ces gens sont des ’’sportifs’’, certainement pas des grimpeurs donc à quoi bon? Ils fréquentent une salle par pur délassement donc ils ne peuvent comprendre la souffrance – toute relative – exigée par le caillou. Et je ne parle pas de l’engagement!

 

Parlons vrai!

Dans vingt ans, il n’y aura que ça, des grimpeurs de salle. Tout le monde commencera en salle et la majorité ne verra pas le soleil luire sur le royaume minéral.

Non seulement ça mais dans vingt ans l’escalade intérieure sera un sport à part entière. Les J.O. si chers ($$) à certaines organismes ne viendront pas de la falaise de Videbouteilles mais bien d’endroits comme Urban Evasion ou Roc en Stock. C’est évident!

 

Montaigne avait son promenoir. Moi j’ai mon promontoire.

Je ne grimpe pas, je ne grimpe plus, dans la salle que je fréquente.

Je ne fais qu’y construire des voies au rythme de quatre ou cinq par semaine. De tous les niveaux et je n’ai jamais reçu une vieille cenne noire pour mes efforts depuis quinze ans. En fait je suis invisible, suspendu au bout d’une corde avec un tas de prises dans mon sac.

Et j’observe les interactions qui se passent en bas. Quel cirque!

C’est tout simplement n’importe quoi : le royaume de l’amateurisme et de la frime.

Le royaume de l’hormonal à bon marché : les cœurs s’y emballent et combien de mains y poussent des fesses trop massives pour arriver à la deuxième dégaine?

Combien de rois de la voie jaune? Combien de dieux du 6b intérieur (dont ils connaissent toutes les prises) ? Combien de tyrans de la moulinette, de guides sortis des profondeurs?

 

C’est un théâtre dont je ne me lasse pas!

Je visse, je crée du 5a au 9, avec le sourire aux lèvres. Le petit monde d’en dessous vaudrait bien une bande dessinée. Ou une série d’histoires cocasses. J’ai  même l’intention de vous conter, dans les prochaines semaines, quelques entourloupes du gym qui m’abritait . Rien que du juteux… le dîner de cons façon salle d’escalade.

Si les entrevues que je tiens à faire m’en donnent le temps!

 

Malgré tous ces travers – et quelle activité n’a pas ses dérives – la salle de grimpe intérieure sera le moteur des changements qui toucheront le milieu de l’escalade et de la montagne durant les prochaines décennies. Les acteurs de ce petit monde auront un impact direct sur les falaises que nous fréquentons ou que nous ne fréquenteront plus.

 

Il est peut être temps d’y jeter un coup d’œil attentif et de bâtir des ponts entre le monde minéral et celui du bois aggloméré!

 

Sinon , grimpeurs de falaises , nous ne vaudront pas mieux que les mammouths…




JPB






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