Le grès rose est le médium idéal pour la
pratique de l’escalade.
A son summum, il est doux, franc, sensuel; il
libère l’imagination corporelle de par ses formes et surtout ne patine jamais.
A son pire, ce n’est qu’un tas de sable vertical
incrusté de galets.
De la cathédrale à la ruine!
Et c’est la ruine qui faisait que je montais en
boitant un sentier abrupt, mon sac sur le dos et la fesse droite qui ne devait
être qu’une énorme ecchymose.
Plus tôt au Langenfels, la corde main gauche,
le point à la hauteur des yeux et voilà la prise main droite qui se décide à
profiter de l’attraction terrestre pour rejoindre le sol. Moi, je vole en
heurtant un petit bombé, fesse droite.
Huit mètres de chute durant lesquels j’ai
associé tous les saints et toutes les perversions à la grande surprise des
touristes allemands qui grimpaient autour et des locaux qui ne pouvaient
imaginer une telle litanie récitée dans un français moyenâgeux.
Heureusement mon assureur a évité la prise
transformée en missile et réussit à stopper mon vol avant l’atterrissage.
Quelques minutes de repos m’ont convaincu que
ma journée était terminée : je ne pourrais plus grimper aujourd’hui! Exit
le Langenfels: il ne me restait que la randonnée!
Il faut bien dire que je n’étais en Alsace que
depuis cinq jours et que ma forme était pitoyable. L’escalade de glace n’est
pas le meilleur entraînement pour l’escalade sportive et mes aventures des deux
derniers mois avaient bousillé ma cédule.
Passant d’une saison à l’autre le temps d’un vol transatlantique, je me
suis réfugié chez des amis alsaciens pour tenter de mettre de l’ordre dans mes
idées et me refaire une vie.
Plus de travail, tout mon argent dans mon
porte-monnaie, l’auto d’un ami pour un mois et un billet d’avion ouvert pour un
an. Pas assez d’argent pour survivre tout ce temps: j’allais devoir me
débrouiller pour gagner ma croûte sans permis de travail, un fantôme allant de
falaises en falaises.
Il faut bien dire que la grande majorité des
gens vivent des vies fantomatiques, passant de leur lit à leur boulot
quotidiennement sans jamais espérer en sortir ou laisser une simple virgule
dans les livres d’Histoire. La beauté de l’escalade, c’est que nous sommes des
fantômes heureux.
Les falaises d’Alsace me plaisent : de petits
bouts de rocher fait de ce beau grès et de ces maudits galets, des rochers
portant souvent des ruines de fortifications, d’étranges formations géologiques
en nid d’abeilles, de beaux surplombs, un équipement béton et des sentiers
comme nulle part ailleurs.
Et la nourriture! Et tous ces merveilleux
vins!!
Certains vont me rétorquer que les falaises
d’Alsace manquent d’ampleur mais qui se souvient du célèbre dicton « small
is beautiful » qui a fait vibrer les années ’70?
Il y a un charme dans ces miniatures.
J’avais du temps à revendre en quittant le
Langenfels: mon topo des Vosges du Nord est usé à force de le feuilleter et d’y
chercher des sites intéressants et des voies à faire rêver mais c’est là le
propre du topo d’escalade … faire rêver.
Et il y a longtemps que je rêvais au Saut du
Prince Charles pour la voie romaine encore visible qui passait tout près de là.
Mais il faut aller vers Saverne.
Il existe aussi, sur la route d’Obersteigen, un
petit monolithe de grès caché en forêt, un bloc rectangulaire de 10 mètres de
haut par 2 mètres carrés qui possède huit voies équipées : la Spille.
Et comme la Spille est au bout d’un sentier pas
trop fréquenté et que j’avais le temps de m’y rendre avant le souper – comment
font les Français pour souper si tard demeure pour moi un mystère – j’ai sauté
dans la Twingo et j’ai été m’y perdre.
Il faut le trouver, ce sentier, ce qui n’est
pas facile pour un nouveau venu. Et le sentier me semblait assez escarpé avec
cette fesse qui devait être bleuâtre. Heureusement la forêt est magnifique
comme partout dans les Vosges.
Arrivé au sommet, pas de Spille mais j’entends
des voix entre les grands arbres et le bruit des dégaines qui s’entrechoquent.
Wow… comme curiosité géologique, c’est de
première grandeur. Un bloc quasi parfait qui a poussé entre les conifères il y
a des milliers d’années. Et le sommet semble totalement plat! J’ai déjà vu les
tours de l’ouest américain mais elles sont « américaines » :
très beau de loin mais aucune classe dès qu’on est au pied : juste de la
poussière millénaire. Par contre, ce petit bloc possède le mystère des
civilisations anciennes, l’aura d’une grandeur oubliée : quelle légion y a
fait arrêt? Quelle horde de Huns y a aperçu la plaine brûler?
Il y a quatre grimpeurs au pied de la tour :
un homme et trois femmes. Deux cordes au sommet
montrent qu’ils n’en sont pas à leur première ascension. Personne ne
semblant vouloir s’entretuer, je m’approche sans trop faire de bruit et je pose
mon sac à terre. Les têtes se tournent.
-« Bonjour, vous êtes venu grimper
seul? »
-« Non, je ne suis venu que pour jeter un
coup d’œil. »
Une petite brunette me dévisage.
-« Ah, vous êtes normand, vous. »
-« Non, pas réellement… je suis Québécois
et je fais attention à mon débit pour me faire comprendre par les
indigènes! »
L’homme, dans la mi-trentaine, me fait un large
sourire.
-« Un cousin québécois! Je me nomme
Philippe; vous êtes venu pour grimper la Spille? On peut vous assurer si vous
le désirez… on retournait à Strasbourg mais pour quelques minutes… »
Je leur raconte alors mon avant-midi au
Langenfels ce qui déclenche quelques éclats de rire. Enfin des gens normaux!
J’accepte de mettre mon harnais et de tenter
la « Normale ». Philippe m’assure sur ce 5a somme toute assez
facile. Quelques bonnes prises et puis c’est la dalle sommitale qui est vraiment
plate : dommage que les arbres cachent la vue. Je passe ma corde dans le
ring et je me fais redescendre.
-« Encore une fois? »
-« Incroyable, ce bloc! Je veux bien
essayer quelque chose d’aussi facile parce que je n’arrive pas à lever la jambe
bien haut alors les pieds mains, ce n’est pas pour aujourd’hui. »
-« Essaie le dièdre, notre corde est déjà
placé. Ce n’est que 5b et les mouvements sont superbes. »
Et me voilà reparti vers le sommet avec la
grâce de la créature du baron Frankenstein.
Dieu que ce bloc est beau : il n’y a que
quelques galets encastrés autour du sommet.
Je repasse la corde dans le ring et je retourne
à terre.
J’y ai pris goût à la Spille! Je ferais bien
toutes les voies si elles étaient dans ce registre mais mes compagnons
remballent leurs sacs. Il est 14 heures.
Je dois sembler déçu car Philippe m’offre
d’aller le lendemain au Klingenthal avec lui. Pourquoi pas? Mais le soleil luit
et la Spille est ici et il me reste six voies à essayer.
-« Personne ne veut rester? Je demeure à
Ittenheim et Strasbourg n’est qu’à quelques minutes : je peux donner un
lift à la fin de la journée. »
Tout ce beau monde a le fou rire.
-« Donner un quoi? »
-« Aller reconduire… un lift, c’est aller
reconduire… »
-« Et bien si tu peux me laisser au centre
ville, moi, je veux bien rester et faire quelques voies de plus. »
C’est la petite brunette, Odile, qui se propose
pour m’assurer. Je me débrouille assez bien dans Strasbourg et, avec une carte,
on se rend partout : il n’y a donc pas de problèmes pour le retour.
Je règle pour le Klingenthal avec Philippe et
tout ce beau monde part vers le stationnement.
-« Si on essayait Mistral gagnant? C’est
5c et assez beau. Et j’y vais en premier!»
Moi, je suis d’accord… je suis ici pour
grimper.
Odile se débrouille très bien. Elle doit
grimper du 6a ou 6b à vue et même si c’est la première fois qu’elle grimpe à la
Spille, on voit que le niveau ne lui fait pas peur.
Et je remarque que son baudrier moule assez
bien son postérieur. Merci, monsieur
Snap! D’ailleurs elle est coupée au couteau, cette fille-là. Dommage que je
sois une momie d’un monde glacée, un condamné avec sursis, une vieille peau
sans avenir.
Montée, descente.
C’est mon tour : la voie est similaire aux
précédentes et toute aussi plaisante. Quelle joie, ce grès!
-« Il me reste une collation, dit Odile,
si on montait par « Amuse-gueule » et qu’on mangeait au sommet? Tu as
quelque chose à manger? »
Amuse-gueule, 6a, et oui, il me reste du pain
et du fromage et une petite bouteille de vin. Pourquoi pas…le pique-nique
serait sympathique sur la dalle.
Je monte en premier et le grès est idéal,
sensuel et quasi jouissif. Si on avait du caillou comme cela à la maison!
Puis j’assure Odile et je monte les sacs attachés
à un brin mort.
Gestion de corde, un relais sur le ring et je
débouche mon vin. J’ai dans mon sac les petits verres métalliques emboîtables
qui ont appartenu à mon père. Pain, vin
et fromage, un dîner de roi! Odile sort de son sac un sandwich et une pomme.
-« Tu veux du vin? »
-« Un tout petit peu, merci. »
Je dévore mon lunch en savourant le moment. Il
y a de ces moments en escalade qui ne se retrouvent nulle part ailleurs :
des minutes de grâce. On discute un peu et j’apprends qu’elle est professeur de
géographie et qu’elle a 26 ans. Tout les grimpeurs font parti du corps
professoral en Alsace : ce doit être un pré requis à la pratique, ma foi!
-« Encore un peu de vin? Il faut finir
cette bouteille! »
-« Je veux bien… »
Je me penche pour verser et elle pose un baiser
sur ma joue…
Je ne sais pas ce qui m’a pris.
La tension de tous ces mois? Le soleil, la
chaleur et le vin? Le sentiment d’être, au sommet de la Spille, en parfaite
sécurité comme les chevaliers du haut de leur tour.
Je l’ai regardé dans les yeux et j’ai cherché
sa bouche. Des lèvres charnues, chaudes et sensuelles comme seules les
Européennes en possèdent.
Nous nous sommes embrassés longuement, sa
langue jouant avec la mienne comme un chat avec une souris.
Dans un passage difficile, il faut savoir se
lancer.
Ma main frôle son corps et glisse sur ses
seins. Fermes et dont les mamelons semblent vouloir sortir du t-shirt moulant qui
les emprisonne.
Je les caresse et Odile ne me fout pas une
gifle ce qui est bon signe pour la suite.
En fait, elle se frotte contre mon corps comme
une chatte et je ne peux résister à l’envie de lui retirer ce t-shirt :
elle étend les bras au dessus de sa tête et le vêtement tombe vers le sol.
Voilà le dessert! Je me jette sur ces deux
globes et je les embrasse tour à tour. Ses mamelons ont la texture de la pomme,
sa peau a le goût de la pomme, ses seins ressemblent à deux pommes mûres qu’il
me faut croquer.
Combien de temps à passer de sa bouche à ses
seins?
Longtemps.
Je jette mon sweatshirt en bas et je commence à
m’intéresser à d’autres parties de son anatomie. Mais il fait faire
attention : la Spille fait dix mètres de haut et la terrasse n’est pas
plus large qu’un grand lit. En escalade, restez attachés en tout temps!
Je caresse son sexe au travers de ses knikers
qui deviennent rapidement trempés : elle ne porte pas de petite culotte,
mon Odile! Et mon Odile est passablement excitée par le va et vient de mes
mains : sa respiration s’accélère au gré du tourbillon de mes doigts et
ses yeux bruns se perdent dans le lointain.
Là, c’est le moment de vérité pour un grimpeur
confirmé. Je déboucle mon harnais et je le relâche juste assez pour ôter mes
shorts Prana. Puis je reboucle.
Nu comme un vers, je suis, mais encore au
relais et harnaché.
Plus harnaché que moi et c’est la syncope et
Odile a vite fait de s’en saisir pour caresser l’objet du désir. Pour un vieil
équipeur, ma perceuse est toujours en bon état.
Pendant qu’elle caresse et me fait monter le
rythme cardiaque, je détache son harnais et je lui retire ses knikers. Petit
Jésus de plâtre, elle est totalement
mouillée et je crains pour les prises à la descente!
Il faut vite colmater cette brèche et je m’y
emploie du mieux que je peux avec ma bouche. Odile gémit et se tortille en
quelques minutes…
L’Alsace et ses remontants…
Je sens qu’il faut passer à l’acte sinon je ne
réponds plus de mon corps.
Mais je suis un gentleman : la dalle est
dure et le dos de ma maîtresse n’a pas à supporter les injures du grès.
Je roule sur le dos et l’assoie sur moi.
Nos deux corps glissent l’un sur l’autre
tellement nous sommes humides.
-« Doucement, Odile…
Mais je n’ai pas à m’inquiéter : elle
s’enfile an poussant un grand soupir comme s’il n’y avait pas de secrets entre
nous. Je remercie alors les inventeurs du harnais moderne qui permettent tant
de miracles.
Puis Odile s’agite dans tous les sens comme une
déchaînée. Une de mes mains caresse ses seins et l’autre chatouille son
clitoris au rythme de ses avances.
Je me sens grossir et prendre toute la place,
devenir énorme et frapper aux portes de son corps.
Puis son être s’arque dans un premier spasme.
Je n’en pouvais plus et je vins à mon tour : deux cris qui paraissaient
sortir d’une même gorge, un sacrifice humain au sommet d’un monolithe de grès.
Odile se retira brusquement et s’affaissa sur
mon corps, encore tremblante.
Nous étions à 30 centimètres du bord de la
terrasse…
-« Tu veux du vin? Il en reste
encore. »
-« Oui » et elle commença à
rire. « C’est la première fois que je fais l’amour en escalade, avec
mon harnais et avec un Québécois. »
-« Odile, dis-moi, qu’est-ce que tu fais
ce soir? On pourrait souper et se promener un peu dans Strasbourg… »
Quelques minutes plus tard on rappelait vers le
pied de la Spille et on descendait vers la Twingo et un souper. Trop tard, le
souper… il me faudrait attendre plusieurs heures avant de boire à son corps.
Pour la première fois en deux mois, je me
sentais revivre.
Même ma fesse ne me faisait plus mal!
JPB