Je reviens du centre commercial!
Une maison de fous.
S’il y a une crise économique en quelque part,
tous les gens que j’ai croisés n’en ont pas entendu parler : ils peinaient
sous le poids de leurs achats… et ils peineront sans doute longtemps sous le
poids de la dette de leurs cartes de crédit…
C’était des files à n’en plus finir, des
embouteillages monstres, des ruées vers les caisses, une migration vers les
soldes.
Moi je n’allais là que pour acheter quelques
livres dont ’’Le plafond de Montaigne’’ que je n’ai pu trouver mais qui est
maintenant en commande. Pas surprenant car il doit y avoir dix personnes en
ville qui savent ce qu’est le plafond de Montaigne. Ce sont sans doute
d’heureux vieillards!
Ne voulant pas vous obliger à réfléchir pendant
la digestion de la dinde du Réveillon, je me suis dit que j’écrirais cette
petite chronique puis je me mettrais au vert jusqu’à la mi-janvier. En fait, je
prends des vacances à la mi-janvier, des vacances au soleil. Je reviendrai avec l’entrevue de John
Bachar.
Et j’ai un petit projet d’écriture qu’on me
force à entreprendre pour tenter d’éloigner le spectre de la dépression. Un
autre refus des éditeurs en perspective, j’en ai bien peur, mais j’ose espérer
être publié à titre posthume un de ces jours!
La tératologie? Je vois que plusieurs se sont
précipités vers le Larousse…
La tératologie, c’est l’étude des déformations
et des monstruosités.
La tératologie, c’est la science des monstres…
Vous fréquentez une salle?
Moi, j’ai fréquenté la même durant plusieurs
années. J’y ai donné des cours, j’y ai construit les voies quatre soirs par
semaine en moyenne. Des milliers de voies depuis toutes ces années. Quinze ans.
J’ai donc tout vu du haut de mon perchoir!
On me susurre à l’oreille que je ne dois pas me
venger de l’affront infligé.
Que je dois être zen. La plume est une arme!
L’humour aussi. Le sarcasme encore plus.
Que dire de cette faune monstrueuse?
Que ce n’est pas naturel et que rien ne peut
sortir de bon de cette marmite infernale.
Que c’est un milieu totalement artificiel
auquel il manque la passion.
Que c’est un club de rencontre plutôt qu’un
tremplin vers l’escalade extérieure.
Que le personnel regroupe des ratés
incultes plutôt que des marginaux
espérant réaliser leurs rêves.
Que l’enseignement consiste à
crier :’’Monte tes pieds!’’
Je ne dirai rien de plus. Certains lieux sont
comme le pôle magnétique. Le Verdon attire les amoureux du vide, certaines
salles attirent les amoureux du vide intracrânien. Leur magnétisme permet
d’effacer- tel un aimant accolé à un disque dur – tout germe de sens commun, ne
laissant en place que l’animalité requise pour s’élever en se servant de
quelques prises de couleur.
Il faut un jour en sortir. De gré ou de force.
Car la bonne volonté ne mérite pas le mépris, le dédain… l’invisibilité
quotidienne causée bien sûr par un fossé générationnel mais surtout par l’attitude
condescendante d’une jeunesse qui sait tout, qui a tout fait, tout vu. Tout en
restant confortablement installée dans ses habitudes de petits rois issus d’une
société par trop maternante.
Mais je suis optimiste. Les salles ne sont pas
toutes semblables. On y trouve le pire mais aussi le meilleur : l’escalade
se démocratise, l’escalade morphe rapidement comme le fait la société.
N’oublions pas que de mon bureau je peux encore téléphoner aux ’’inventeurs’’
du libre en France! Que de chemin parcouru depuis les voies à clous et les
Galibiers… moi j’ai déjà voulu avoir des Galibiers pour les user sur le granit
de Chamonix. Alors quand je vois la tribu des gens du bloc – un peu comme les
gens du voyage – je ne peux m’empêcher un sourire et d’avoir une pensée pour
ces gros godillots. Quand je vois les grimpeurs qui se démènent sur des prises
de couleur dans une compétition régionale qui accueille jeunes et vieux, je ne
peux m’empêcher de sourire en pensant à ce Manifeste signé par les meilleurs
qui ne voulaient pas finir en Dieu du Stade. Je ne peux m’empêcher de penser à
ces compétitions extérieures ( certaines mêmes sur les murs d’un hôtel
américain …). Quand je vois les sites, le matériel, la presse… je ne peux
m’empêcher de me tourner vers les couvertures des Passages qui ornent ma
bibliothèque.
Que de chemin parcouru en si peu de temps!
Les salles sont là pour rester. C’est l’avenir
et il faut qu’il soit meilleur!
J’ai reçu cette semaine une carte des Fêtes
délicieuse. Mon ami Dany – travaillant trop pour grimper – jugeait sans doute
que j’avais bien besoin de rire.
Il ne me reste qu’à la faire mienne et à vous
souhaiter de survivre à la crise financière et aux différentes blessures
causées par un usage intensif du pan…
’’Montez
les pieds!’’ et tenez vous loin des monstres.
JPB