[Récit du 30 septembre 2009]
"
Vu comme ça rince aujourd'hui, je crois que je vais en profiter pour écrire
notre dernière chronique sur Squamish"
-"Ok, j'en profiterai pour faire une lessive, ce ne sera pas du luxe..."
Julie, qui nous a rejoint pour cette quinzaine heureusement moins humide,
eut la (bonne ?) idée de glisser une corde double dans son sac. Si ce n'est
notre lâcheté ou notre paresse, nous n'avons donc plus aucune excuse pour ne
pas nous attaquer à des voies de plusieurs longueurs. Décision fut prise de
commencer modestement, pour nous accoutumer au style local, des plus
fissurés. Constatant, non un certain soulagement, que nous n'avons pas le
gros friends n°5, Pierre se lance, en moulinette, dans "
Hypertension", une
fissure large d'une petite vingtaine de mètres. À propos de cette voie, le
topo nous précise "
attention, offwidth fans, this climb should not be
missed". Il s'agit donc de première "
offwidth", fissure large où l'on coince
tout ce qu'on peut tant que "ça" monte. Aïe, Pierre chute, et pas qu'une
fois. Je ne suis pas en reste des rasades, dans un 6b+ complètement en dalle
cette fois, où mes lunettes, pourtant neuves, ne m'ont pas permis
d'apercevoir des aspérités qui pourraient servir de "prises". Je pensais que
la cotation était faîte dans la fissure de départ, alors que je ne faisais
que pénétrer l'enfer du néant préhensile... Restons optimistes ; voilà une
bonne occasion pour réviser des manips de réchap apprises dans un "
Grimper"
d'un autre siècle.
D'apparence modeste, nous comprenons que ces cotations ne signifient plus
grand-chose pour nous dès lors qu'il s'agit d'aborder des manières de
grimper que nous n'avons jamais pratiqué, en 15 et 20 vingt ans
d'escalade...
Pour nous rassurer que nous ne sommes pas subitement devenus mauvais, nous
enchaînons la voie voisine,
Limelight, un 8a superbe et technique, mais
dépourvus de coincements et autre incongruités...
Pierre dans Exasperator
(6b, The Chief, Grand Wall)
Premier constat, implacable : nous devons nous considérer comme d'absolus
débutants en fissure. Nous choisissons d'aller dans
Exasperator (6b), une
voie de deux longueurs ultra-classique. Moins physique et plus à doigts,
cette fissure fine nous pose bien moins de problèmes. Et les protections se
posent sans trop peiner. Il faudra surtout travailler le "large" (offwidth),
voire l'extra-large (cheminée...).
Une fois nos quelques projets en couenne enchaînés (
Communication, 7c+,
Just
Can't Do it, 7c+/8a, et surtout
Division Bell, 8b, pour Pierre) sur le site
"sportif" de Cheakamus, ou encore
Technical Ectasy (8a sur un gros bloc au
nord de Dreamcatcher) et
Vultures Circling (8a, Murrin), nous nous lançons
dans la Face ouest du Chief, qui heureusement passe assez tard au soleil.
Nous jetons notre dévolu sur
Millenium Falcon, 5.11a (6b+) maximum. Comme
nous grimpons en flèche (à trois), je fais les 5 premières longueurs en
tête, Pierre les 5 suivantes. Nous parvenons à tout enchaîner à vue,
moyennant quelques fébrilités, notamment dans la huitième longueur,
acro-agricole, qui se déroule entre une fissure physique (pied à plats sur
une dalle moite) et un arbre tout à fait branlant dont on saisit maintenant
le pourquoi de son surnom, le "
Crazy Magical Tree"...
7 heures plus tard, nous sortons au "petit" sommet du Chief. Avec une vue
imprenable sur Howe Sound (la baie de Squamish), et un peu plus
d'expérience, ce qui ne sera certainement pas un luxe au Yosemite...
Florent dans Limelight, 8a (Murrin Park) - Florent dans Technical Ectasy (8a, Grand Wall
> Forest)
Rest (days)
Que faire quand on ne grimpe pas ? Question existentielle que se posent tous
les grimpeurs... Pour être honnête, Squamish n'est pas une belle ville,
défigurée par un urbanisme d'un autre temps, où tout se construisait autour
de la voiture. Pourtant pas très peuplée, la ville est symptomatique de
l'"Urban Spreading" nord-américain, soit un étalement urbain inconsidéré où
rien ne se fait sans moteur. Et ne demandez pas la direction du
centre-ville, on vous regarderait avec des yeux bizarres. Les lieux de vie
sont dans les commerces, pas dans les rues, si larges qu'on comprend bien
que le piéton y est persona non grata. Sans V8, point de salut ici bas !
Outre quelques restaurants et le Starbuck Coffee d'où je rédige cette
chronique, nous avons testé trois pubs. L'un est celui des grimpeurs et
autres maniaques de l'"outdoor", le Brew Pub (qui brasse sa propre bière),
l'autres des locaux intégrés socialement, et le dernier, bizarrement notre
petit favori, est le "Chieftain". Il est fréquenté par la couche populaire
de Squamish, les ouvriers (la ville étant assez industrielle) et les
"native" (indiens -terme à ne jamais employer ici-). À part le billard, au
tapis rouge sang, et la moquette beige sale, l'unique décoration est assurée
par un juke box qui vit ses derniers jours en crachant une country non
identifié. Aussi habitués au lieu qu'à l'ivresse, les clients vous
dévisageront forcément lors de votre première venue. Ils se dérideront quand
vous aurez fini votre première Bud'. Pour autant, n'espérez pas tenir une
conversation philosophique, l'accent des locaux est à l'image de leur
apparence : rugueux... Et feignez de ne pas vous étonner pas si une native,
fraîchement vêtue, vous propose un "cigare". Il ne s'agit pas de tabac ici,
mais plutôt certainement de mettre à profit les quelques chambres à
l'étage...
Un des nombreux palaces de Whistler, ici le "Four Seasons" - Pierre et Julie
Dans une ambiance opposée, nous conseillons la visite de Whistler, une
cinquantaine de kilomètres au nord. Les falaises sont moins belles qu'à
Squamish, mais la ville l'est beaucoup plus. Station de ski huppée, Whistler
a réussi là où Squamish a échoué. Il s'agit d'une ville charmante, au centre
100 % piéton, où seuls commerces, palaces et touristes ont droit de cité. Si
son côté "Disneyland" et sa propreté presque caricaturale ne vous rebutent
pas, il est réellement agréable de s'y balader un après-midi, et de conclure
par une soirée hockey "Vancouver-Calgary" dans l'un des nombreux pubs, eux
tous très propres, peuplés de jeunes sportifs aux sourires flamboyants et de
couples de vieux millionnaires liftés.
Flo fait la cuisine - Saumons - Julie au repos, à la falaise de Whistler
Ultime occupation lors de nos nécessaires repos (c'est fou ce que le granite
use la peau des doigts) : la randonnée, loin d'être de tout repos. Vous êtes
ici dans les montagnes, les gigantesques glaciers environnants sont là pour
le rappeler : préparez-vous à grelotter, à la pluie froide et tenace, aux
dénivelés inconsidérés mais hautement considérables, aux chevilles gonflées
et autres joies de la marche à pied. (En)Vert de la médaille : les paysages
sont beaux, et les saumons heureusement plus visibles que les ours, dont les
locaux nous assurent pourtant qu'ils sont partout.
Septembre, le mois de Squamish, est fini, nous prenons la route du sud, du
soleil dit-on, et surtout du Yosemite.
A suivre....